Découverte ces jours-ci, en feuilletant les Fables de La Fontaine illustrées par Benjamin Rabier, de quelques jolies fables très peu connues.
Conseil tenu par les rats
Un chat nommé Rodilardus
Faisait de rats telle déconfiture
Que l'on n'en voyait presque plus,
Tant il en avait mis dedans la sépulture.
Le peu qu'il en restait, n'osant quitter son trou,
Ne trouvait à manger que le quart de son soûl ;
Et Rodilard passait, chez la gent misérable,
Non pour un chat, mais pour un diable.
Or un jour qu'au haut et au loin
La galant alla chercher femme,
Pendant tout le sabbat qu'il fit avec sa dame,
Le demeurant des rats tint chapitre en un coin
sur la nécessité présente.
Dès l'abord, leur doyen, personne fort prudente,
Opina qu'il fallait, et plus tôt que plus tard,
Attacher un grelot au cou de Rodilard ;
Qu'ainsi, quand il irait en guerre,
De sa marche avertis, ils s'enfuiraient sous terre ;
Qu'il n'y avait que ce moyen.
Chacun fut de l'avis de monsieur le doyen.
Chose ne leur parut à tous plus salutaire ;
La difficulté fut d'attacher le grelot.
L'un dit : Je n'y vas* point, je ne suis pas si sot.
L'autre : Je ne saurais. Si bien que sans rien faire
On se quitta. J'ai maints chapitres vus
qui pour néant se sont ansi tenus ;
Chapitres, non de rats, mais chapitres de moines,
Voire chapîtres de chanoines.
Ne faut-il que délibérer ?
La cour en conseillers foisonne.
Es-il besoin d'exécuter ?
L'on ne rencontre plus personne.
* Le texte de Jean de La Fontaine est bien ainsi orthographié ("vas" et non "vais")